Blog / Quand la mode peut aller se rhabiller

Du 7 au 9 février 2020, se tiendra, en Espagne, la première édition de la Sustainable Fashion Week (Semaine de la Mode Durable). Les villes de Madrid et Alcorcón (au sud de la Communauté de Madrid) accueilleront durant trois jours des conférences sur l’état actuel du secteur de la mode, des rencontres avec des professionnels de la mode durable, ainsi que des défilés pour apprécier les créations de ces marques et designers invités.

Cet événement se tient en marge de la Semaine de la Mode à Madrid (du 5 au 9 février) et vise à la réflexion et à l’action sur notre système actuel de production, de distribution et d’utilisation de vêtements, foncièrement gaspilleur et pollueur. De grandes quantités de ressources non renouvelables sont, en effet, utilisées pour produire des vêtements qui, souvent, ne sont utilisés que durant un temps extrêmement court. Une fois ce temps passé, ils sont, pour la plupart, incinérés ou abandonnés dans des décharges.

Pour preuve, un rapport de la Fondation Ellen Mc Arthur1, qui note que plus de la moitié de la fast fashion (« mode éphémère ») est mise au rebut en moins d’un an. Et ce temps de vie que nous accordons à nos vêtements ne fait que diminuer : entre 2000 et 2015, il a chuté de 36%. Cela veut dire qu’en moyenne, nous jetons un vêtement après l’avoir utilisé moins de 160 fois. La pression sur les ressources, la pollution et la dégradation de l’environnement, les impacts sociétaux à l’échelle locale, régionale et mondiale, quant à eux, demeurent et s’aggravent, année après année.

Selon le même rapport, moins de 1% des vêtements produits est recyclé en de nouveaux vêtements ou en un usage comparable ; 12% est, certes, réutilisé dans des usages de moindre valeur (matériaux d’isolation, chiffons d’essuyage, rembourrage de matelas, par exemple), mais il est ensuite difficile de les capturer de nouveau, ce qui marque en réalité le terme définitif de leur vie. Et même si certains pays affichent des taux élevés de recyclage de vêtements2, grâce à un système diversifié de collectes, en réalité, ces vêtements sont la plupart du temps envoyés dans des pays, comme l’Inde ou la Tanzanie, qui ne disposent pas de l’infrastructure nécessaire pour leur donner réellement une seconde vie : ils sont souvent abandonnés dans des décharges, ce qui ne fait donc que déplacer le problème et transférer les responsabilités d’un lieu à un autre.

Par ailleurs, l’utilisation de fibres synthétiques et dérivées du pétrole (le polyester, par exemple) rend plus difficile encore le recyclage, quand il ne le rend pas impossible, et entraîne un autre problème majeur : à l’horizon 2050, si rien n’est fait, ce sont 22 millions de tonnes de microfibres plastiques qui rejoindront les océans, détachées lors des lavages de ces textiles synthétiques.

Les organisateurs de la Sustainable Fashion Week l’ont bien compris : l’équation est complexe et il ne s’agit pas de tenter de convaincre tout un chacun de se nouer un pagne autour des hanches, mais bien de repenser l’ensemble du secteur. Orienter l’industrie textile, tout d’abord, afin qu’elle produise et utilise des matières textiles qui ne soient nuisibles ni pour la santé, ni pour l’environnement. Augmenter, ensuite, au niveau individuel, la durée de vie de nos vêtements, en évitant le gaspillage : acheter moins, acheter mieux, échanger. Viser, également, un recyclage beaucoup plus important, en stimulant la demande de matériaux recyclés, en encourageant l’innovation technologique, etc. Promouvoir, enfin, un usage efficace des ressources et s’orienter, de plus en plus, vers l’utilisation de matières premières renouvelables.

Comme l’indique Paloma G. López, la directrice de la Sustainable Fashion Week, le but est de « démontrer qu’une autre façon de s’habiller est possible, beaucoup plus proche et respectueuse de la planète. […] Nous voulons continuer à créer, concevoir et travailler, mais nous voulons également que cela n’implique pas une blessure pour notre environnement, mais que ce soit la graine d’un monde plus vivable. »3 Alors, pourquoi ne pas y faire un tour et connaître ainsi le travail et les propositions de ces designers et professionnels de la mode ? D’une autre mode.

  1. A New Textile Economy, Ellen Mac Arthur Foundation, 2017 

  2. Allemagne : 73% (Source : A New Textile Economy, Ellen Mac Arthur Foundation, 2017

  3. https://oneplanetonesolution.org/sfwmadrid/#Madrid-Alcorcon 

5 février 2020
Yasmina Guira
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Yasmina est géographe. Ses voyages ont commencé alors qu’elle était toute petite, à travers les livres, et ils se sont ensuite poursuivis grâce à la découverte de la géographie en classe, puis sac au dos.