Blog / On the road again ?

Cette semaine, nous souhaitons partager avec vous un événement un peu différent des précédents. Un « évènement », toujours, mais pris dans son acception d’« élément qui marque une rupture », qui définit un « avant » et un « après ». C’est, tout du moins, ce que nous espérons.

Une petite devinette : qu’ont en commun les groupes Coldplay et Massive Attack, au-delà du fait d’être tous deux Britanniques ? Eh bien, oui : leur préoccupation pour l’environnement. À quelques jours d’intervalle seulement, Coldplay et Massive Attack ont annoncé qu’ils souhaitaient entamer un virage radical dans leur façon de mener leurs tournées, et ce, afin de diminuer leur impact environnemental.

Coldplay a ainsi suspendu la promotion de son nouvel album via des tournées « durant un ou deux ans », le temps de trouver une alternative viable, tandis que Massive Attack, après avoir envisagé la même décision, a plutôt décidé de travailler avec l’Université de Manchester, main dans la main avec le Tyndall Center for Climate Change Research. L’idée ? Partager avec eux toutes les informations relatives à leur prochaine tournée, afin de dessiner une stratégie plus en phase avec les défis urgents présentés par le changement climatique. Bien que les stratégies soient différentes, le but est donc bien le même dans les deux cas.

On l’oublie souvent, mais une tournée ne se limite pas au transport du groupe et de son équipe d’un point du globe à un autre. Il faut, en outre, prendre en compte le transport même de chaque spectateur, la consommation d’énergie nécessaire à l’éclairage et au son, la pollution engendrée sur le lieu du concert ou du festival (plastiques et déchets en tout genre), etc. Un poids considérable, si l’on songe au nombre d’événements de ce type qui ont lieu chaque jour de par le monde.

Par cette démarche de collecte d’informations et d’analyse des émissions générées, directement et indirectement, durant une tournée, les deux groupes espèrent non seulement pouvoir adopter des mesures réduisant drastiquement leur empreinte carbone, mais également partager ces bonnes pratiques avec le reste de l’industrie du spectacle, voire inspirer d’autres producteurs et d’autres groupes à suivre leur exemple. Dans son communiqué, le porte-parole du groupe Massive Attack, le musicien Robert del Naja, évoque en effet clairement que la position qui a prévalu jusqu’à présent, dans ce secteur comme dans d’autres, est la compensation, et il définit clairement ses limites :

« Le concept de compensation crée l’illusion que les activités qui émettent beaucoup de carbone et dont bénéficient les individus les plus riches peuvent se poursuivre, en transférant le fardeau de l’action et du sacrifice à d’autres – généralement ceux des pays les plus pauvres de l’hémisphère sud. Les preuves suggèrent que les programmes de compensation peuvent causer de graves dommages aux communautés autochtones souvent sans voix et aux communautés rurales qui sont les dernières à avoir créé le problème. »1

Massive Attack comme Coldplay semblent envoyer un message clair : l’ère de la fuite des responsabilités est révolue. Il ne s’agit plus de « compenser », ni de mettre des pansements sur une hémorragie : l’urgence climatique exige de modifier foncièrement les façons d’agir de chacun et de donner l’exemple. Ce ne sont certes pas les premiers à y avoir pensé : au Québec, par exemple, il existe, depuis 2008, un Conseil Québécois des évènements écoresponsables. Comme son nom l’indique, cet organisme à but non-lucratif a pour mission la formation et l’accompagnement à l’organisation d’évènements écoresponsables, depuis la gestion des déchets et le recyclage jusqu’à celle de l’énergie, en passant par l’implication dans la communauté : « Accompagner les acteurs-clés du domaine événementiel à réduire les impacts environnementaux et rehausser les répercussions sociales et économiques positives des événements. », telle est la vision défendue par le groupe.

Mais alors, où est la nouveauté de la décision de Massive Attack et de Coldplay, vous demandez-vous ? La nouveauté, en réalité, ne réside pas dans la décision en elle-même de réduire l’impact environnemental, mais plutôt dans le fait qu’elle se prend à un niveau encore jamais vu. Que l’on apprécie ou non leur musique, il s’agit de deux groupes mondialement connus, dont la célébrité donne une aura et un retentissement particuliers à chacun de leurs faits et gestes.

Certains pourront y voir un « coup de comm’ », mais s’il s’accompagne de véritables mesures sur le long terme, et si celles-ci font boule de neige, grâce à la notoriété de ceux qui les initient, alors nous l’applaudissons des deux mains.

  1. “The concept of offsetting creates an illusion that high-carbon activities enjoyed by wealthier individuals can continue, by transferring the burden of action and sacrifice to others—generally those in the poorer nations in the southern hemisphere. Evidence suggests that offset programs can wreak serious havoc for the often voiceless indigenous and rural communities who have done the least to create the problem.” 

18 décembre 2019
Yasmina Guira
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Yasmina est géographe. Ses voyages ont commencé alors qu’elle était toute petite, à travers les livres, et ils se sont ensuite poursuivis grâce à la découverte de la géographie en classe, puis sac au dos.