Blog / Dhaka, de la pollution à l’action

En 2016, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) classait Dhaka (Bangladesh) comme la 3e ville la plus polluée du monde1. Pour établir ce classement, l’OMS prend en compte la concentration en particules en suspension dans l’air, selon son taux de PM10 (particules de moins de 10 micromètres de diamètre). 158μg/m3 : c’est le taux de particules de la ville de Dhaka, soit quasiment 8 fois le taux recommandé par cette même organisation (20μg/m3).

Si certaines de ces particules sont d’origine naturelle (éruption volcanique, par exemple), d’autres sont d’origine anthropique (chauffage au bois, procédés industriels, combustion des véhicules, etc.). Dans tous les cas, ces particules sont suffisamment fines pour pénétrer dans les poumons, voire dans le système sanguin si elles ont moins de 2,5 micromètres de diamètre (PM2,5). Une exposition chronique à ces particules « contribue au risque de développer des maladies cardiovasculaires, respiratoires et des cancers pulmonaires » (OMS2).

Toujours selon l’OMS, en 2016, on estimait à 4,2 millions le nombre de décès prématurés provoqués dans le monde par la pollution ambiante (de l’air extérieur) dans les zones urbaines, périurbaines et rurales.

Par ailleurs, selon Germanwatch, en 2019, le Bangladesh est le 9e pays du monde le plus affecté par des évènements météorologiques extrêmes en termes de pertes humaines et matérielles3. Inondations, glissements de terrain, cyclones, le Bangladesh est exposé à de nombreux aléas : certains se souviennent peut-être du cyclone Sidr, qui frappa le pays en novembre 2007, faisant environ dix mille morts. Ces évènements seront chaque fois plus fréquents avec le changement climatique, s’accompagnant de nouveaux défis : les experts considèrent que le pays pourrait perdre 18% de son territoire du fait de la montée des eaux « transformant 30 millions de personnes en réfugiés écologiques d’ici 2050. » (PNUD).

Face à ce tableau plutôt pessimiste, le Bangladesh semble néanmoins montrer des signes de redressement. Longtemps classé par l’ONU parmi les « pays les moins avancés », le Bangladesh devrait prochainement quitter cette catégorie pour rejoindre celle des « pays à revenus intermédiaires ». En effet, depuis 1990, son Indice de Développement Humain, qui prend en compte le PIB par habitant, l’espérance de vie à la naissance, ainsi que l’accès à l’éducation a presque doublé (passant de 0,387 à 0,608). Si ce tableau général ne doit pas faire oublier que 63 millions de personnes, soit 17% de la population, vit encore dans une pauvreté extrême, et que la démocratie reste un sujet délicat4, il est cependant encourageant.

Encourageant, comme cette initiative pleine de promesses, que nous souhaitons partager avec vous cette semaine, visant à traiter conjointement trois sujets : l’environnement, la santé et les risques. Du 18 au 20 décembre 2019, aura en effet lieu, au sein du campus de l’Université de Dhaka, un symposium international intitulé : « La santé en péril dans un monde à l’environnement dégradé et aux risques récurrents »5. Organisé par l’Institut de Gestion des Catastrophes et d’Étude de la Vulnérabilité (IDMVS), Université de Dhaka, ainsi que par la Société internationale de Photogrammétrie et Télédétection (ISPRS), il s’agit du premier événement du genre à se tenir au Bangladesh. Le comité scientifique est majoritairement composé de docteurs, originaires aussi bien du Bangladesh, d’Inde, que des États-Unis ou de France.

Parmi les sujets traités : l’analyse des données géospatiales, le rôle des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans la résolution des problèmes de santé, les problèmes de santé lors des catastrophes, les impacts négatifs du changement climatique pour la santé, la pollution des sols et son impact pour la santé, les disparités en matière de santé, etc.

La rencontre vise à promouvoir l’échange de bonnes pratiques, de faire connaître les innovations dans ces domaines et, surtout, de créer des ponts entre la communauté scientifique, les décideurs et les personnes sur le terrain, afin de coordonner les efforts pour permettre au Bangladesh — mais pas seulement — d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD), notamment l’Objectif N°3 : « Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge», ainsi que les priorités du Cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, les deux accords internationaux au centre de ce symposium.

Si cette réunion nous tient particulièrement à cœur, c’est parce qu’elle naît de l’initiative des personnes parmi les plus concernées par les problèmes environnementaux et les changements climatiques, et qu’elle se tient à l’endroit même où les défis et les besoins sont les plus criants. Elle nous semble révélateur de ces prises de conscience locales, dont l’impact ne devrait pas être négligé, bien que leur médiatisation soit quasiment inexistante. Pour notre part, nous ne pouvons donc que souhaiter que ce symposium soit fructueux et ne soit que le premier de beaucoup d’autres.

  1. Parmi les villes de plus de 14 millions d’habitants ayant des données disponibles. Consultez le rapport complet 

  2. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ambient-(outdoor)-air-quality-and-health 

  3. Consultez le rapport complet (pdf) 

  4. Lors des dernières élections, en décembre 2018, de nombreuses irrégularités ont été dénoncées (bourrages d’urnes, intimidations, etc.), provoquant notamment un boycott de membres de l’opposition. Elles ont vu la réélection de la Première Ministre Sheikh Hasina, en poste depuis plus de 10 ans. 

  5. “Health at risk in a world of degraded environment and recurrent disasters” 

14 décembre 2019
Yasmina Guira
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Yasmina est géographe. Ses voyages ont commencé alors qu’elle était toute petite, à travers les livres, et ils se sont ensuite poursuivis grâce à la découverte de la géographie en classe, puis sac au dos.